Reconfinement : les clubs de National 2 et de National 3 ne sont pas tous logés à la même enseigne
Comme au printemps dernier, les clubs amateurs ont été dribblés par le coronavirus. Sauf que cette fois-ci, le reconfinement est à géométrie variable que l’on soit une réserve professionnelle, une équipe à majorité de contrats fédéraux ou un club lambda. Ce qui n’est pas sans créer certaines incompréhensions.
Les clubs amateurs espéraient une bonne nouvelle la semaine dernière lors de la prise de parole du président de la République. Les indicateurs sanitaires, qui montrent un fléchissement de l’épidémie de coronavirus sur le sol français depuis le reconfinement, avaient donné une lueur d’espoirs aux footballeurs comme aux dirigeants. Mais le bout du tunnel avait été fixé au 20 janvier.
La Fédération française (FFF), en relation constante avec le ministère des Sports, aurait réussi à infléchir la position du gouvernement pour une reprise des entraînements d’ici le 15 décembre. Si la situation sanitaire le permet.
Toutefois, pour les clubs évoluant en N2 et en N3, il existe des dérogations pour continuer à taper dans un ballon, à l’entraînement. À condition de remplir certains critères. Ainsi, les réserves professionnelles, comme celle du Racing dans le groupe de N3 du Grand Est, ont été autorisées d’emblée à poursuivre leur activité.
Schiltigheim a repris l’entraînement, Haguenau s’arme de patience
Sous la pression de clubs qui n’ont parfois d’amateurs que le nom, ceux qui comptent une majorité de contrats fédéraux ou de salariés, la FFF, toujours en lien avec le ministère des Sports, avait déjà infléchi sa position initiale.
Dans une circulaire datée du 6 novembre, elle a autorisé « les équipes constituées majoritairement de sportifs sous contrat à continuer de s’entraîner avec les partenaires d’entraînement qui ne sont pas sous contrat et venant compléter l’effectif de l’équipe ». Dans les clubs où les fameux contrats fédéraux sont minoritaires, seuls ces derniers sont autorisés à utiliser les installations.
Si le Sporting Schiltigheim, relégable dans le groupe B de N2, a coupé pendant huit jours au début du reconfinement, il a depuis réinvesti le Stade de l’Aar.
« On a le droit de s’entraîner », explique le coach Stéphane Crucet, remerciant au passage la Ville qui a laissé au club l’accès à son terrain de jeu. Les Schilikois s’entraînent, donc, mais loin des standards habituels. « On se plie à des contraintes sanitaires drastiques. »
Si les oppositions, par exemple, restent impossibles, les joueurs de Stéphane Crucet se retrouvant par groupes, le coach du Sporting apprécie néanmoins de pouvoir garder le contact avec sa troupe. « Ça permet quand même de garder tout le monde sous pression et focalisé sur l’objectif du maintien. » Sans compter les bénéfices sur le plan de la condition physique. « Une nouvelle coupure (après celle du printemps) aurait très préjudiciable. »
En Alsace, l’exemple schilikois est loin d’être la norme. « La situation ? On n’a pas le droit de s’entraîner, c’est aussi simple que ça », soupire Jean-Luc Kleinmann, le président haguenovien. L’accès aux installations du Parc des Sports n’étant pas autorisé par la Ville de Haguenau.
« Il y a une règle, on la respecte », commente le président du FRH. Avec un peu de dépit puisque tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. « Ce n’est pas juste en termes d’équité. On ne l’accepte pas, mais on n’a pas le choix, on n’a aucun recours. »
S’exiler ? Pas si simple…
Dans le groupe B de N2, dont le FRH occupe la 3e place, les réserves d’Auxerre, Lens, Metz et Reims n’ont jamais cessé de s’entraîner collectivement. « Il ne leur manque que la compétition. »
À l’arrêt depuis un mois, Pierre Ebede et ses coéquipiers s’entretiennent donc chacun de leur côté, en suivant les programmes concoctés par leur staff. « Mais ça ne remplace pas le terrain… »
Le FR Haguenau aurait-il pu trouver refuge ailleurs pour tenter de limiter les effets sportifs du reconfinement ? Pas si simple. Il en est donc réduit à attendre.
Une division en dessous, en N3, on a également connu une période de « flou artistique » durant les premiers jours du reconfinement. « On parle là de divisions bâtardes, qui oscillent entre le semi-professionnalisme et l’amateurisme, sachant que certains clubs sont en avance sur d’autres », rappelle José Guerra, le coach du SRC.
« À Colmar, on a trois contrats fédéraux, poursuit le technicien. Pour l’heure, ils sont au chômage. Si je les fais reprendre, ça se passe comment ? Ils sont payés par l’État ou par le club ? »
« Les règles et les contraintes devraient être les mêmes pour tout le monde »
De manière générale, il estime que « les règles et les contraintes devraient être les mêmes pour tout le monde ». Il se montre cependant plus « partagé » en ce qui concerne les centres de formation des clubs de L1 et L2, qui méritent selon lui un traitement légèrement différencié. Mais en permettant à ces derniers de travailler au complet, la Fédération a « créé une inégalité » trop flagrante aux yeux du coach.
« Dans notre championnat, les réserves professionnelles (Racing, Troyes et Nancy) vont prendre une longueur d’avance », craint-il.
Le technicien aurait préféré que les « pros », par exemple ceux du RC Strasbourg, « bossent avec un groupe élargi » comprenant « quelques jeunes du centre de formation » et que « tous les autres s’arrêtent ».
« Nous nous déplacerons justement sur la pelouse du Racing II, le 6 février (si le calendrier n’est pas modifié) , lors de la première journée de la phase retour, souligne l’entraîneur colmarien. Nous jouerons donc d’emblée une équipe qui ne s’est jamais arrêtée. Il est impossible de dire que l’on part avec les mêmes armes… »
À la FAIG, la situation est malheureusement limpide. Le club illkirchois, au modeste budget, n’a aucun joueur sous contrat fédéral. Personne ne peut donc s’entraîner. De toute façon, l’accès au stade n’est pas autorisé par la Ville.
Mais Amar Ferdjani, comme son homologue colmarien, n’ignore pas que les réserves auront un avantage à la reprise du championnat. « Ce n’est pas certain, mais si on nous laisse un temps correct pour nous préparer, on arrivera à atténuer ce manque d’équité. C’est pour cela que j’insiste auprès de mes joueurs pour qu’ils respectent le programme qu’on leur a donné et aillent même plus loin s’ils le peuvent. S’ils bossent bien, on aura fait la moitié du chemin. »
« Les clubs avec des effectifs qui ne sont pas très larges vont être pénalisés »
Le coach de la FAIG a cherché à programmer des matches amicaux, au cas où le feu vert pour s’entraîner serait donné en décembre. Peine perdue. Il redoute la double peine. « Quand ça va repartir, les matches vont s’enchaîner. » Le risque de blessures est réel. « Le N3 est un niveau où l’intensité est importante. Les clubs avec des effectifs qui ne sont pas très larges comme le nôtre vont être pénalisés. »
Amar Ferdjani a néanmoins apprécié que les clubs aient été consultés par la Ligue du Grand Est, « contrairement au premier confinement », pour évoquer notamment des pistes de reprise du championnat. Cette visioconférence a permis à chacun de s’exprimer.
Certains ont plaidé en faveur de l’élargissement à cinq remplacements (voir encadré) , d’autres ont fait part de leur mal-être.
Des reprises à la limite du hors-jeu
Face à cette situation problématique, cette « distorsion de concurrence » comme l’évoque une majorité de clubs, certains sont tentés de flirter avec les limites des deux côtés des Vosges. Et ont repris les séances collectives, en respectant toute une kyrielle de mesures sanitaires pour éviter de devenir un cluster, avec une autorisation municipale.
« On a repris il y a quinze jours, glissait la semaine dernière sous couvert d’anonymat un technicien. On a retrouvé des joueurs avec une certaine fraîcheur physique. C’est encourageant. On s’entraîne comme avant tout en respectant des règles strictes (pas d’accès aux vestiaires, pas de mélange avec l’équipe réserve, etc.). » Un essai qui a fait long feu puisque les séances ont finalement été ajournées.
Les clubs qui ont décidé de reprendre malgré tout, et ceux qui attendent d’être définitivement fixés sur leur sort aussi du reste, sont condamnés à vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête d’ici au 15 décembre, au mieux…
L’impossibilité des cinq changements
Confronté à une cascade de blessures cette saison, José Guerra n’a jamais pu aligner ses cinq recrues (Diawara, Belahmeur, Gherardi, les frères Jacquat) ensemble sur la pelouse, depuis le coup d’envoi du N3.
L’entraîneur du SR Colmar considère que son équipe ne rencontrerait pas autant de pépins physiques si la Fédération autorisait davantage de ‘‘turnover” en cours de match. « J’ai du mal à comprendre pourquoi on ne peut effectuer que trois remplacements dans notre division, alors que cinq sont permis au niveau professionnel et que les changements sont illimités en Régional 1. C’est mon petit coup de gueule du moment. Si j’avais eu la possibilité de faire tourner mon effectif un peu plus, ça m’aurait enlevé une grosse épine du pied. »
D’autres techniciens vont dans le même sens, à l’image de Claude Spreng (ASC Biesheim). « Les amateurs souffrent plus que les professionnels. Après cette deuxième coupure, ça ne va pas être simple de relancer des garçons de trente-quatre ou trente-cinq ans. Et quand on va jouer trois matches en huit jours, on va faire comment ? »
Cette demande des entraîneurs de N2 et N3 est remontée jusqu’à la FFF. Mais la Fédération a botté en touche en prétextant qu’elle ne pouvait pas changer les règlements en cours de saison…
Par Simon GIOVANNINI, Amaury PRIEUR, Julien-Thomas WILL - L'Alsace